La possibilité pour la Belgique d'interdire les activités de commémoration du génocide rwandais sur son territoire devrait être envisagée. Plusieurs arguments solides peuvent être avancés en faveur d'une telle interdiction. En effet, ces activités sont souvent utilisées par le gouvernement rwandais actuel pour avancer des accusations controversées envers la Belgique, accusations qui divisent plutôt qu’elles ne réconcilient.
Tout d’abord, le gouvernement
rwandais dirigé par Paul Kagame utilise régulièrement les commémorations du
génocide pour propager une lecture historique partiale et politiquement
instrumentalisée. Selon Kagame, la Belgique serait à l'origine de tous les problèmes
du Rwanda, y compris le génocide de 1994. Cette affirmation simpliste ne prend
pas en compte la complexité historique et politique du génocide, qui résulte
d'une multitude de facteurs internes et externes (Reyntjens, 2013).
Il est crucial de souligner que
sans la guerre déclenchée par Paul Kagame et sans l'assassinat du président
Juvénal Habyarimana en 1994, le génocide n'aurait jamais eu lieu.
Cette responsabilité initiale est souvent ignorée par le discours officiel
rwandais actuel, qui préfère attribuer toute la responsabilité à l'ancienne
puissance coloniale belge.
François Reyntjens, expert
reconnu sur l'histoire du Rwanda, indique clairement que le génocide rwandais a
des racines complexes impliquant non seulement l'héritage colonial belge, mais
surtout les tensions internes exacerbées par les dirigeants rwandais eux-mêmes,
avant et après l'indépendance (Reyntjens, "Political Governance in
Post-Genocide Rwanda", 2013).
De plus, le Rwanda accuse
ouvertement la Belgique d'avoir cédé des terres rwandaises à la République
Démocratique du Congo (RDC) et d’avoir ainsi déclenché une série de conflits
frontaliers persistants jusqu’à ce jour. Cette accusation est non seulement historiquement
contestable, mais elle omet également les accords internationaux reconnus par
les Nations Unies et ratifiés par les États concernés, dont le Rwanda lui-même
(Prunier, "Africa's World War", 2009). Gérard Prunier, historien et
spécialiste de l’Afrique centrale, souligne que ces frontières ont été
largement établies avant même la colonisation belge, et reconnues par les
traités internationaux ultérieurs.
Par ailleurs, une autre
revendication de Kagame, selon laquelle les terres occupées par des communautés
tutsi en RDC seraient historiquement rwandaises et devraient être restituées au
Rwanda, pose de graves problèmes de droit international. En réalité, la RDC est
habitée par une multitude d'ethnies, ce qui signifie que les zones revendiquées
par Kagame n’étaient pas exclusivement habitées par les Tutsi avant la
colonisation, mais par diverses communautés ethniques. Les frontières
internationales sont protégées par le principe d'intégrité territoriale,
reconnu par la Charte des Nations Unies (Stearns, "Dancing in the Glory of
Monsters", 2011).
Il est crucial d'observer que de
nombreux historiens et analystes indépendants réfutent ces affirmations
simplistes de Kagame, soulignant plutôt une manipulation politique évidente du
génocide pour consolider un discours nationaliste et expansionniste (Des
Forges, "Leave None to Tell the Story", 1999). Alison Des Forges,
experte reconnue sur le génocide rwandais, avait déjà alerté sur le risque
d'instrumentalisation du génocide par des dirigeants politiques en quête de
légitimité internationale et d'influence régionale.
Cette instrumentalisation a
évolué aujourd'hui vers une stratégie de chantage diplomatique clair envers la
Belgique et la communauté internationale. Kagame utilise régulièrement la
culpabilité occidentale face au génocide rwandais pour exiger des soutiens
financiers, politiques et diplomatiques indus, tout en étouffant toute critique
sur son régime autoritaire (Pottier, "Re-Imagining Rwanda", 2002).
Cette dynamique malsaine est
particulièrement visible lors des commémorations nationales et internationales du génocide
organisées au Rwanda et en Belgique, où les discours officiels rwandais dérivent
systématiquement vers une critique unilatérale et biaisée du rôle historique
belge, négligeant les responsabilités des acteurs rwandais eux-mêmes. Cette
rhétorique entretient non seulement la désinformation, mais nuit aussi aux
relations bilatérales entre la Belgique et les États de la région des Grands
Lacs africains.
Compte tenu de ces faits, il
serait judicieux pour la Belgique d’interdire les activités de commémoration
organisées directement par le gouvernement rwandais ou ses relais officiels sur
son territoire. Cette interdiction permettrait de rétablir un cadre plus neutre
et objectif pour honorer la mémoire des victimes du génocide, loin des
manipulations politiques actuelles.
La Belgique pourrait, à la place,
soutenir des initiatives indépendantes et pluralistes de commémoration,
favorisant un véritable dialogue historique et la réconciliation entre toutes
les parties impliquées. Ce type d'initiatives permettrait non seulement de
respecter pleinement la mémoire des victimes, mais aussi de contrer
efficacement l'instrumentalisation politique opérée par le régime de Kagame.
En conclusion, la Belgique a tout
intérêt à prendre une position claire sur cette question. Interdire les
activités de commémoration du génocide organisées par le gouvernement rwandais
n’est pas une négation du génocide lui-même, mais plutôt une démarche
responsable visant à protéger la vérité historique, à empêcher l’exploitation
politique des tragédies humaines, et à promouvoir une réconciliation sincère et
durable.
Références:
- Reyntjens, François. "Political
Governance in Post-Genocide Rwanda". Cambridge University
Press, 2013.
- Prunier, Gérard.
"Africa’s World War: Congo, the Rwandan Genocide, and the Making of a
Continental Catastrophe". Oxford University Press, 2009.
- Stearns, Jason.
"Dancing in the Glory of Monsters: The Collapse of the Congo and the
Great War of Africa". PublicAffairs, 2011.
- Des Forges, Alison.
"Leave None to Tell the Story: Genocide in Rwanda". Human Rights
Watch, 1999.
- Pottier, Johan.
"Re-Imagining Rwanda: Conflict, Survival and Disinformation in the
Late Twentieth Century". Cambridge University Press, 2002.
By Rwandan Rights Alliance, London, UK
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