Saturday, 27 December 2025

RDC: Ennemis de nous-mêmes

Corruption, trahison interne, ambiguïtés religieuses et opposition défaillante : pourquoi les Congolais de la RDC sont devenus, en partie, des ennemis d'eux-mêmes dans la guerre de l'Est

Depuis plus de trente ans, l'Est de la République démocratique du Congo vit dans un état de guerre quasi permanent. Ce conflit a causé des millions de morts, déplacé des populations entières, désintégré le tissu social et affaibli durablement l'État congolais. Il est généralement présenté comme une agression extérieure, notamment liée aux ambitions régionales du Rwanda et de ses alliés — lecture en grande partie fondée, mais incomplète.

Une analyse rigoureuse impose de reconnaître que la guerre de l'Est se nourrit également de l'intérieur : de la corruption endémique, de la collaboration avec l'ennemi, de l'attitude équivoque de certaines institutions religieuses et d'une opposition politique dépourvue de colonne vertébrale patriotique.

Affirmer que les Congolais sont devenus, en partie, des ennemis d'eux-mêmes ne constitue pas une accusation morale collective. Il s'agit d'un constat politique douloureux mais nécessaire pour comprendre pourquoi cette guerre perdure depuis trois décennies sans issue durable.

1. Une guerre extérieure enracinée dans des failles internes

La guerre de l'Est a débuté dans un contexte régional explosif après 1994. Le territoire congolais est rapidement devenu un espace de projection des conflits voisins, un champ de bataille par procuration. Ce qui aurait pu demeurer une crise temporaire s'est transformé en conflit structurel précisément parce que les vulnérabilités internes congolaises ont fourni un terreau fertile à la violence.

Un État déliquescent, des institutions fragiles, une armée mal encadrée, une justice quasi inexistante et une élite politique souvent déconnectée des réalités populaires ont permis l'installation durable de la violence. Au fil des années, la guerre a cessé d'être simplement imposée : elle a été intégrée, normalisée, voire exploitée par des acteurs congolais eux-mêmes.

2. La corruption rwandaise comme arme de guerre : l'achat systématique de la trahison congolaise

2.1. La corruption comme stratégie militaire du Rwanda

L'une des dimensions les plus dévastatrices et les moins discutées de la guerre de l'Est est l'utilisation systématique de la corruption par le Rwanda comme arme de guerre. Kigali a compris depuis longtemps qu'il est plus efficace et moins coûteux d'acheter la défaite congolaise que de la conquérir militairement. Plutôt que d'affronter une armée nationale unie et motivée, le Rwanda préfère infiltrer, corrompre et acheter les consciences, transformant ainsi des Congolais en agents actifs de leur propre défaite.

Cette stratégie de corruption ciblée touche trois piliers essentiels de la société congolaise : l'armée, la classe politique et les institutions religieuses. En investissant relativement peu d'argent au bon endroit, le Rwanda parvient à neutraliser la résistance congolaise de l'intérieur, rendant inutile tout affrontement militaire conventionnel.

2.2. La chute des villes sans combat : l'argent rwandais à l'œuvre

L'un des phénomènes les plus révélateurs et les plus humiliants de la guerre de l'Est est la chute répétée de villes et de positions stratégiques sans véritable combat. Des garnisons entières de FARDC abandonnent leurs positions, se replient sans tirer un coup de feu, ou pire encore, facilitent activement l'avancée des forces RDF/M23.

Les cas documentés sont nombreux et accablants :

  • Des villes tombent en quelques heures alors qu'elles disposaient de positions défensives solides et de troupes en nombre suffisant.
  • Des commandants ordonnent le repli sans justification tactique, laissant populations civiles, équipements et positions stratégiques à l'ennemi.
  • Des unités entières disparaissent mystérieusement juste avant l'arrivée des forces adverses.
  • Des axes routiers stratégiques sont abandonnés sans résistance, facilitant la progression rapide de l'ennemi.

Ces capitulations inexplicables sur le plan militaire s'expliquent parfaitement sur le plan financier : l'argent rwandais a circulé en amont. Des officiers, des commandants d'unité, parfois des généraux entiers, ont été achetés. Le prix de la trahison varie selon l'importance de la position, mais il est toujours inférieur au coût d'une bataille rangée pour le Rwanda.

2.3. Les mécanismes de corruption des FARDC

La corruption des Forces armées congolaises par le Rwanda suit des schémas bien établis :

Identification et ciblage : les services de renseignement rwandais identifient les officiers vulnérables — ceux qui sont mal payés, frustrés, ambitieux ou déjà corrompus par d'autres circuits. Les officiers clés dans des positions stratégiques sont particulièrement visés.

Approche et recrutement : le contact se fait rarement directement. Des intermédiaires — souvent des Congolais déjà compromis, des hommes d'affaires transfrontaliers ou des membres de réseaux ethniques transnationaux — établissent le premier contact. L'approche est progressive, testant d'abord la réceptivité avant de faire une proposition explicite.

Paiements et garanties : l'argent est versé en plusieurs tranches. Un premier paiement pour sceller l'accord, un deuxième avant l'action requise, et un solde après exécution. Les montants varient considérablement : de quelques milliers de dollars pour un commandant local à des centaines de milliers, voire des millions pour des généraux contrôlant des secteurs entiers.

Instructions opérationnelles : les officiers achetés reçoivent des instructions précises — retarder les renforts, fournir des renseignements sur les positions congolaises, ordonner des replis stratégiques, saboter l'approvisionnement en munitions, ou simplement ne rien faire au moment crucial.

Protection et impunité : une fois l'action accomplie, les officiers corrompus bénéficient souvent d'une étrange impunité. Les enquêtes sur les défaites inexplicables sont étouffées. Les responsables sont mutés plutôt que jugés, parfois même promus. Cette protection vient de réseaux de complicité qui montent jusqu'aux plus hauts niveaux de l'État, eux-mêmes parfois compromis.

2.4. La corruption de la classe politique congolaise

Le Rwanda ne se contente pas d'acheter l'armée. Il investit massivement dans la corruption de la classe politique congolaise à tous les niveaux :

Au niveau national : certains membres de l'opposition, des parlementaires, voire des ministres, entretiennent des relations financières avec Kigali. Ces fonds servent à financer des campagnes politiques, à acheter des loyautés, à soutenir des médias favorables. En échange, ces politiciens adoptent des positions qui minimisent l'agression rwandaise, bloquent les initiatives de défense nationale ou sabotent les efforts diplomatiques contre le Rwanda.

Au niveau provincial : des gouverneurs, des députés provinciaux et des administrateurs locaux sont achetés pour faciliter le contrôle rwandais de territoires et de ressources. Ils ferment les yeux sur les trafics, facilitent les mouvements de groupes armés ou fournissent une couverture administrative aux réseaux pro-rwandais.

Au niveau local : des chefs coutumiers, des bourgmestres et des responsables administratifs sont corrompus pour assurer le contrôle social des populations, identifier les opposants à l'agenda rwandais et faciliter l'implantation de structures parallèles de pouvoir.

L'argent rwandais circule également à travers des circuits économiques légaux en apparence : investissements dans des entreprises, partenariats commerciaux, financements de projets de développement. Ces flux financiers créent des interdépendances économiques qui neutralisent la volonté politique de résister.

2.5. La corruption des institutions et responsables religieux

Plus subtile mais tout aussi pernicieuse est la corruption de certaines institutions religieuses. Le Rwanda a compris l'influence morale considérable de l'Église dans la société congolaise et a développé des stratégies spécifiques :

Financements d'Églises et de projets religieux : certaines Églises, diocèses ou organisations religieuses reçoivent des financements généreux de sources liées au Rwanda ou à ses réseaux. Ces fonds servent à construire des temples, des écoles, des centres de santé. Cette dépendance financière crée une dette morale qui inhibe toute critique de Kigali.

Corruption directe de leaders religieux : certains évêques, pasteurs, imams ou responsables religieux influents reçoivent des avantages personnels — véhicules, maisons, financements de voyages à l'étranger, bourses pour leurs enfants. En échange, ils adoptent un discours de « neutralité », de « paix » ou de « réconciliation » qui évite soigneusement de nommer l'agression rwandaise.

Instrumentalisation des réseaux religieux transnationaux : le Rwanda exploite les liens religieux transfrontaliers, notamment avec des Églises évangéliques internationales ou des réseaux catholiques, pour influencer le discours religieux en RDC. Des conférences interreligieuses, des forums de paix ou des initiatives de dialogue sont organisés et financés par des circuits liés à Kigali, orientant subtilement les narratifs.

Achat du silence : même sans soutien actif, le simple silence de leaders religieux face à l'agression constitue un service rendu à Kigali. Ce silence est parfois acheté, parfois imposé par la peur, parfois le résultat d'une naïveté savamment entretenue.

Le résultat est désastreux : lorsque des figures morales respectées refusent de condamner l'agression ou relativisent les responsabilités, elles désarment la conscience collective et affaiblissent la capacité de résistance morale du peuple.

2.6. L'économie de la corruption : un investissement rentable pour le Rwanda

Pour le Rwanda, cette stratégie de corruption massive représente un investissement remarquablement rentable. Le coût d'achat d'un général congolais est inférieur au coût d'une offensive militaire pour prendre la même position. Le coût de corruption d'un homme politique influent est inférieur aux pressions diplomatiques nécessaires pour obtenir le même résultat.

De plus, cette corruption produit des effets multiplicateurs :

  • Elle détruit la cohésion interne des FARDC, rendant toute réforme militaire inefficace.
  • Elle fracture la classe politique, empêchant l'émergence d'un front uni sur la question nationale.
  • Elle neutralise la voix morale de l'Église, privant le peuple de son principal repère éthique.
  • Elle crée un climat de méfiance généralisée où plus personne ne sait qui est loyal et qui est compromis.
  • Elle démoralise les soldats honnêtes, les politiciens patriotes et les citoyens ordinaires qui voient la trahison récompensée et la loyauté punie.

2.7. L'impunité comme encouragement systématique

Le plus grave dans ce système de corruption est l'absence totale de sanctions. Les officiers dont les défaites suspectes sont documentées ne sont jamais traduits en justice. Les politiciens aux liens rwandais avérés continuent leur carrière tranquillement. Les responsables religieux compromis conservent leur autorité morale.

Cette impunité envoie un message dévastateur à tous les niveaux de la société congolaise : la trahison paie, la loyauté coûte cher. Dans un tel environnement, la corruption devient rationnelle et le patriotisme devient une forme de naïveté.

3. La collaboration avec l'ennemi : une trahison banalisée

Au-delà de la corruption financière directe, la collaboration avec l'ennemi revêt de nombreuses autres formes : fourniture de renseignements militaires, sabotage de positions stratégiques, relais politiques et médiatiques au service d'agendas étrangers.

Cette collaboration trouve ses motivations multiples : l'appât du gain certes, mais aussi la recherche de protection personnelle, l'ambition politique, les solidarités ethniques transfrontalières instrumentalisées ou simplement la peur des représailles. Dans un système où la loyauté nationale n'est ni valorisée ni protégée, certains choisissent de se vendre au plus offrant.

Lorsque des Congolais ouvrent les portes de l'intérieur, l'ennemi extérieur n'a plus besoin de conquérir par la force brute. Il infiltre, manipule, divise. La guerre devient alors autant interne qu'externe, rendant toute victoire militaire conventionnelle illusoire.

4. La fragmentation identitaire et communautaire

La guerre de l'Est a profondément instrumentalisé les identités. Les appartenances ethniques, locales ou linguistiques ont été transformées en lignes de front. Des communautés autrefois liées par l'histoire, le commerce et les alliances matrimoniales ont été dressées les unes contre les autres.

Cette fragmentation n'a rien de spontané. Elle est encouragée par des acteurs armés, mais également par des élites congolaises qui exploitent les peurs identitaires pour consolider leur pouvoir local. En privilégiant les solidarités communautaires au détriment de l'identité nationale, les Congolais ont affaibli leur capacité collective de résistance.

Un peuple divisé demeure facilement manipulable. Tant que l'identité congolaise restera fragile face aux identités locales instrumentalisées, la guerre disposera d'un carburant interne puissant et renouvelable.

5. Le rôle équivoque de certaines institutions religieuses et le soutien implicite à l'agression rwandaise

L'Église occupe une place centrale dans la société congolaise. Elle est souvent perçue comme une autorité morale, un refuge pour les opprimés, un contre-pouvoir face à l'État. Pourtant, dans le contexte de la guerre de l'Est, le positionnement de certaines institutions religieuses suscite de sérieuses interrogations.

5.1. La neutralité comme complaisance

Sous couvert de neutralité, de paix ou de réconciliation, certains responsables religieux évitent de nommer clairement l'agression rwandaise, relativisent les responsabilités ou placent sur un pied d'égalité l'agresseur et l'agressé. Ce discours, présenté comme spirituellement élevé, produit en réalité une confusion morale profonde qui désarme la conscience collective.

La paix sans vérité ne saurait être une paix juste. En refusant de dénoncer explicitement l'injustice et l'agression, certaines Églises affaiblissent la capacité de résistance morale de la population. Pire encore : ce silence peut être interprété comme un soutien tacite aux objectifs du Rwanda dans l'Est congolais.

5.2. Le soutien actif aux objectifs rwandais et la corruption religieuse

Au-delà du silence complice, certains responsables religieux vont plus loin en soutenant activement, directement ou indirectement, les objectifs du Rwanda. Comme analysé dans la section précédente, cette complicité est souvent le fruit d'une corruption systématique orchestrée par Kigali.

Les financements généreux pour la construction de lieux de culte, d'écoles religieuses ou de centres de santé créent des dépendances financières qui neutralisent toute velléité de critique. Les avantages personnels offerts aux leaders religieux — véhicules, résidences, voyages, bourses d'études pour leurs enfants — achètent leur silence ou leur complaisance.

Ce soutien prend plusieurs formes :

  • La légitimation idéologique : certains prédicateurs relaient des discours qui dédouanent le Rwanda de toute responsabilité dans la déstabilisation de l'Est, présentant le conflit comme une simple affaire interne congolaise ou comme une conséquence de l'incapacité de Kinshasa à gérer ses provinces.
  • La minimisation de l'agression : des voix religieuses influentes refusent de qualifier l'intervention rwandaise d'agression, préférant des termes neutres ou euphémisants qui diluent la responsabilité de Kigali.
  • Les relais médiatiques et diplomatiques : certains leaders religieux servent de caution morale aux positions rwandaises dans les forums internationaux, les médias ou les initiatives de « dialogue » orientées.

5.3. Les conséquences spirituelles et politiques

Le soutien religieux aux objectifs rwandais, qu'il soit acheté ou naïf, produit des conséquences dévastatrices :

  • Confusion morale : les fidèles ne savent plus distinguer le bien du mal, l'agresseur de la victime, lorsque leurs guides spirituels brouillent les lignes.
  • Affaiblissement de la résistance : un peuple désorienté moralement ne peut se mobiliser efficacement pour défendre sa souveraineté.
  • Perte de crédibilité de l'Église : lorsque l'Église est perçue comme complice ou instrumentalisée, elle perd sa légitimité comme acteur de paix et de justice.

L'Église congolaise doit retrouver sa voix prophétique. Elle doit nommer l'agression, défendre les victimes, refuser tout financement compromettant et rejeter toute forme de corruption. Sans cette clarté morale, elle cesse d'être une force de libération pour devenir un instrument d'oppression.

6. Une opposition politique au service des intérêts rwandais

Dans un pays en guerre, l'opposition politique devrait jouer un rôle crucial : contrôler le pouvoir, proposer des alternatives crédibles, défendre l'intérêt national supérieur. Or, l'opposition congolaise apparaît souvent fragmentée, opportuniste et, dans certains cas, ouvertement alignée sur les positions de Kigali, parfois par conviction, souvent par corruption.

6.1. La minimisation de l'agression comme stratégie politique

Certains opposants minimisent systématiquement l'agression rwandaise dans le but d'affaiblir le régime en place. Ils présentent la guerre de l'Est comme une simple conséquence de la mauvaise gouvernance de Kinshasa, détournant ainsi l'attention de la responsabilité du Rwanda. Cette posture, bien que tactiquement avantageuse sur le plan politique intérieur, affaiblit la position nationale face à l'ennemi extérieur.

En refusant de reconnaître l'agression rwandaise, ces opposants privent le pays d'une voix unie sur la question la plus existentielle : la souveraineté territoriale. Leur calcul politique de court terme sacrifie l'intérêt national de long terme.

6.2. Les relations ambiguës avec Kigali : corruption et compromission

Plus grave encore, certains leaders de l'opposition entretiennent des relations directes avec le Rwanda ou avec ses réseaux d'influence. Ces liens, souvent d'ordre financier, suivent les mêmes mécanismes de corruption déjà décrits :

  • Financements de campagnes électorales : certains opposants reçoivent des fonds de sources liées au Rwanda pour financer leurs activités politiques, leurs campagnes ou leurs structures partisanes. Cette dépendance financière conditionne leurs positions publiques.
  • Soutien médiatique et logistique : des opposants en exil bénéficient de relais médiatiques pro-rwandais, de facilités logistiques ou de protections diplomatiques offertes par Kigali ou ses alliés.
  • Rencontres discrètes et coordinations : des contacts réguliers avec des officiels rwandais ou des intermédiaires, souvent à l'étranger, où sont discutées des stratégies de déstabilisation du pouvoir congolais.
  • Alignement discursif : la reproduction quasi textuelle des positions de Kigali sur les réseaux sociaux, dans les médias internationaux ou lors de conférences constitue un indicateur troublant de coordination ou de compromission.

6.3. L'utilisation de la pression internationale comme levier

Certains opposants cherchent activement à internationaliser le conflit de manière biaisée, présentant le Rwanda comme une victime ou un acteur légitime, et le gouvernement congolais comme le seul responsable de la crise. Ils font pression sur les capitales occidentales, les organisations internationales et les médias pour imposer des solutions qui affaiblissent Kinshasa sans exiger du Rwanda qu'il cesse son agression.

Cette stratégie transforme l'opposition en force de déstabilisation plutôt qu'en alternative crédible. Au lieu de construire un projet national capable de rassembler, certains opposants préfèrent détruire depuis l'extérieur, même si cela signifie faire le jeu de l'ennemi.

6.4. L'absence de patriotisme structurant

L'opposition congolaise souffre d'un déficit majeur : l'absence d'un patriotisme structurant qui transcenderait les ambitions personnelles et les calculs partisans. Dans toute démocratie saine, opposition et pouvoir peuvent s'affronter sur les politiques internes, mais doivent s'unir sur les questions de souveraineté et de défense nationale.

En RDC, cette unité minimale n'existe pas. Certains opposants semblent considérer que tout ce qui affaiblit le pouvoir en place est bon, même si cela affaiblit simultanément le pays. Cette logique suicidaire, parfois alimentée par l'argent rwandais, fait d'eux des ennemis de la nation autant que du régime.

6.5. La nécessité d'une opposition véritablement patriotique

Critiquer le pouvoir demeure légitime et nécessaire dans toute démocratie. Affaiblir la nation en temps de guerre ne l'est pas. L'opposition congolaise doit opérer une transformation profonde :

  • Reconnaître l'agression rwandaise comme fait indiscutable et cesser de la minimiser par opportunisme politique.
  • Rompre tous liens financiers avec Kigali et ses réseaux d'influence, sous peine de perdre toute légitimité nationale.
  • Refuser tout financement suspect et faire preuve de transparence sur les sources de financement des activités politiques.
  • Proposer une alternative crédible sur la gestion de la crise de l'Est qui renforce la position congolaise plutôt que de l'affaiblir.
  • Construire un front uni minimal sur les questions de souveraineté, même en désaccord sur tout le reste.

Sans cette réorientation patriotique, l'opposition demeurera un facteur aggravant de la crise plutôt qu'une force de changement constructif.

7. Le silence, la peur et la résignation collective

Être ennemi de soi-même ne signifie pas uniquement trahir activement. C'est aussi se taire face à l'injustice, détourner le regard par crainte, accepter l'inacceptable par fatigue. La guerre de l'Est a instauré une culture de la peur et de la résignation qui paralyse toute velléité de changement.

Nombre de Congolais savent que la guerre enrichit une minorité et détruit la majorité. Ils savent que l'argent rwandais circule dans les rangs de l'armée, achète des politiciens et corrompt des responsables religieux. Ils savent que des villes tombent sans combat parce que des officiers ont été payés. Ils savent que des traîtres opèrent en toute impunité. Pourtant, dénoncer la corruption, la trahison ou les complicités expose à des représailles. Le silence devient une stratégie de survie individuelle. Mais ce silence collectif permet au système de se perpétuer et aux mécanismes de destruction de prospérer.

8. La trahison au sein de l'armée congolaise : cœur du problème sécuritaire

La guerre qui ravage l'Est de la RDC depuis plus de trente ans ne peut être expliquée uniquement par la puissance militaire des ennemis extérieurs. L'un des facteurs les plus déterminants, bien que sensible, demeure la trahison interne au sein des Forces armées congolaises. Sans cette trahison — active ou passive, souvent achetée par l'argent rwandais — la longévité, la fluidité et l'efficacité des groupes armés et des forces étrangères opérant sur le sol congolais seraient impossibles.

8.1. Une armée infiltrée dès sa reconstruction

Depuis la fin officielle des grandes guerres du Congo, l'armée a été reconstruite à travers des processus d'intégration et de brassage mal contrôlés. D'anciens rebelles, parfois liés à des puissances étrangères, ont été intégrés sans véritable filtrage idéologique, sécuritaire ou judiciaire. Cette intégration précipitée, présentée comme solution de paix, a ouvert la porte à une infiltration structurelle.

Certains officiers intégrés n'ont jamais changé de loyauté. Ils ont conservé des liens avec des chaînes de commandement parallèles, des intérêts économiques transfrontaliers ou des agendas politiques étrangers. L'ennemi n'a donc pas eu besoin de vaincre l'armée congolaise : il a réussi à s'y installer de l'intérieur, facilitant ensuite le travail de corruption systématique orchestré par le Rwanda.

8.2. Fuites de renseignements et sabotages militaires achetés

L'un des signes les plus patents de la trahison réside dans la répétition quasi systématique des fuites de renseignements stratégiques et des sabotages militaires. Les positions militaires congolaises sont connues à l'avance par l'ennemi parce que des officiers corrompus transmettent ces informations. Les offensives échouent avant même de commencer parce que les plans d'opération ont été vendus. Les unités tombent dans des embuscades inexplicables parce que leurs mouvements ont été signalés à l'avance.

Ces situations ne relèvent ni du hasard ni de l'incompétence seule. Elles traduisent une collaboration active achetée par l'argent rwandais : transmission de renseignements contre paiement, neutralisation volontaire de capacités défensives, ordres de repli injustifiés donnés par des officiers compromis, abandon de positions clés sans combat réel.

La chute de nombreuses villes sans résistance sérieuse s'explique directement par cette corruption. Des garnisons entières reçoivent l'ordre de se replier ou d'abandonner leurs positions, non pas parce que la situation tactique l'impose, mais parce que le commandant a reçu sa rémunération du Rwanda. Le soldat ordinaire, lui, ne comprend pas pourquoi il doit fuir alors qu'il est en position de se battre.

8.3. L'économie de guerre au sein de l'institution militaire

La trahison revêt également une dimension économique structurelle. Certains officiers supérieurs tirent profit de la guerre en contrôlant des circuits de minerais, de carburant, de denrées alimentaires, d'armes ou de taxation illégale. Mais une partie croissante de leurs revenus provient directement de la corruption rwandaise : paiements pour faciliter l'avancée du M23/RDF, rémunérations pour livrer des positions stratégiques, commissions sur les trafics transfrontaliers contrôlés conjointement.

La prolongation de l'insécurité devient une source de revenus substantielle à double titre : l'économie prédatrice locale et les paiements rwandais pour la trahison. La paix représente alors une menace directe pour ces intérêts privés multiples.

Ainsi, des unités sont volontairement sous-équipées, mal ravitaillées, laissées sans renfort — non pas uniquement par incapacité de l'État, mais parce que l'échec militaire sert des intérêts particuliers grassement financés de l'extérieur. Cette logique perverse transforme l'armée en acteur de l'instabilité plutôt qu'en rempart contre elle.

Le soldat de base paie le prix ultime de cette trahison : abandonné, sacrifié, accusé d'incompétence, alors que les décisions destructrices émanent des échelons supérieurs corrompus par l'ennemi.

8.4. Une chaîne de commandement brisée par la corruption

La corruption rwandaise détruit la chaîne de commandement des FARDC. Lorsque les soldats découvrent que leurs officiers ont reçu de l'argent pour les abandonner, lorsque les ordres sont perçus comme achetés par l'ennemi, la discipline s'effondre totalement. Comment faire confiance à un commandant qui a peut-être été payé pour sacrifier ses hommes ?

Certains soldats désertent dès qu'ils apprennent qu'un ordre suspect a été donné. D'autres rejoignent des groupes armés par dégoût de la trahison institutionnalisée. D'autres encore se replient vers des milices communautaires pour protéger leurs familles, ayant perdu toute foi dans l'institution militaire.

Ce phénomène alimente un cercle vicieux mortel : plus l'armée est corrompue par le Rwanda, plus les soldats honnêtes la quittent ; plus ils la quittent, plus l'armée devient le terrain de jeu des corrompus ; plus elle est corrompue, plus le Rwanda peut acheter facilement de nouvelles victoires. L'État perd alors progressivement le monopole de la violence légitime, signe ultime de l'effondrement de la souveraineté.

8.5. L'impunité comme incitation à la trahison payée

L'un des aspects les plus graves réside dans l'absence totale de sanctions contre les officiers dont la trahison est pourtant évidente. Des généraux responsables de défaites incompréhensibles, de replis inexpliqués ou de positions abandonnées sans combat ne sont jamais traduits en justice. Les enquêtes sur les chutes de villes sans résistance sont systématiquement étouffées.

Les responsables sont mutés vers d'autres secteurs où ils peuvent continuer à vendre leurs services, parfois même promus pour acheter leur silence sur les complicités plus haut placées. Certains sont protégés par des réseaux politiques eux-mêmes compromis par l'argent rwandais, créant une chaîne de corruption et de complicité qui monte jusqu'aux plus hauts échelons de l'État.

Cette impunité envoie un message dévastateur à tous les niveaux de l'armée : vendre ses positions au Rwanda comporte peu de risques et rapporte beaucoup. Inversement, la loyauté peut devenir dangereuse, car les officiers honnêtes qui dénoncent la trahison s'exposent à des représailles de la part de leurs collègues corrompus et de leurs protecteurs politiques.

Dans un tel système, la fidélité devient un handicap et la trahison achetée par le Rwanda devient une stratégie rationnelle d'enrichissement et de survie.

8.6. Les conséquences stratégiques de l'achat de l'armée

L'achat systématique de l'armée congolaise par le Rwanda produit des conséquences stratégiques dévastatrices :

  • Impossibilité de planifier des opérations : tout plan militaire risque d'être vendu à l'ennemi avant son exécution.
  • Perte de contrôle territorial : des zones entières tombent sous contrôle ennemi sans combat parce que les défenseurs ont été achetés.
  • Démoralisation généralisée : les soldats honnêtes perdent tout espoir de victoire quand ils réalisent que l'ennemi est dans leurs propres rangs.
  • Inefficacité des réformes militaires : former, équiper ou restructurer une armée dont les cadres sont achetés par l'ennemi revient à renforcer un système défaillant.
  • Avantage stratégique écrasant pour le Rwanda : pourquoi risquer des vies dans des batailles quand on peut acheter la victoire ?

8.7. Une institution prise en otage, non coupable collectivement

Il est absolument essentiel de le préciser avec force : l'armée congolaise n'est pas coupable collectivement. La majorité des soldats et de nombreux officiers sont des patriotes honnêtes, courageux, qui se battent dans des conditions impossibles. Ils sont pris en otage par une minorité d'acteurs corrompus achetés par le Rwanda.

Les soldats qui meurent au front, souvent sans salaire ni équipement adéquat, sont victimes de la trahison interne autant que de l'agression extérieure. Ils sont victimes d'officiers qui ont vendu leurs positions, de généraux qui ont accepté l'argent rwandais, de responsables politiques qui protègent les traîtres.

Cependant, tant que cette trahison achetée ne sera pas nommée explicitement, combattue systématiquement et sanctionnée exemplairement, aucune réforme militaire ne portera ses fruits. Former, équiper ou restructurer une armée infiltrée et corrompue revient à investir des ressources que le Rwanda pourra à nouveau acheter.

Conclusion : rompre avec l'autodestruction et la corruption rwandaise

Affirmer que les Congolais sont devenus, en partie, des ennemis d'eux-mêmes ne constitue ni une condamnation globale ni un renoncement. C'est un appel à la lucidité collective face à une réalité douloureuse : le Rwanda a transformé la corruption en arme de guerre stratégique, et cette arme a fait plus de dégâts que toutes ses offensives militaires combinées.

La guerre de l'Est ne cessera pas uniquement par des accords internationaux ou des pressions diplomatiques. Elle prendra fin lorsque les Congolais refuseront collectivement d'être achetés, lorsque l'argent rwandais cessera de circuler impunément dans les rangs de l'armée, de la classe politique et des institutions religieuses.

Redevenir alliés de nous-mêmes suppose une transformation radicale qui touche tous les secteurs de la société :

Pour les institutions religieuses : refuser tout financement provenant de sources liées au Rwanda, dénoncer publiquement les responsables religieux corrompus, retrouver le courage prophétique de nommer l'agression rwandaise sans équivoque, et défendre les victimes même au prix de sacrifices financiers.

Pour l'opposition politique : rompre tous liens financiers avec Kigali et ses réseaux, faire preuve de transparence totale sur les sources de financement des activités politiques, placer la souveraineté nationale au-dessus des calculs partisans, reconnaître l'agression étrangère comme fait indiscutable, et construire un patriotisme structurant qui transcende les ambitions personnelles.

Pour l'armée : identifier et sanctionner exemplairement tous les officiers ayant accepté l'argent rwandais, créer des tribunaux militaires indépendants pour juger les cas de trahison, établir des mécanismes de contrôle financier rigoureux sur les officiers, purger les réseaux de corruption, rétablir une chaîne de commandement loyale basée sur le mérite et l'intégrité, et protéger les dénonciateurs de la trahison plutôt que de les punir.

Pour l'État congolais : mener des audits financiers approfondis sur tous les responsables civils et militaires dans les zones de conflit, poursuivre pénalement tous ceux ayant accepté l'argent rwandais, créer une commission d'enquête indépendante sur les villes tombées sans combat, publier les noms des traîtres avérés, saisir leurs biens acquis par la trahison, et mettre fin à l'impunité qui gangrène toutes les institutions.

Pour la société civile et les médias : enquêter et dénoncer publiquement les circuits de corruption rwandaise, identifier et exposer les responsables corrompus dans tous les secteurs, refuser le silence complice, soutenir les lanceurs d'alerte, et maintenir la pression pour que justice soit rendue.

Pour la communauté internationale : reconnaître que la corruption rwandaise est une forme d'agression aussi grave que les attaques militaires, sanctionner financièrement le Rwanda pour son usage de la corruption comme arme de guerre, geler les avoirs des officiers congolais corrompus identifiés, et conditionner toute aide à la RDC à des progrès mesurables dans la lutte contre la corruption pro-rwandaise.

Aucune armée au monde ne peut gagner une guerre lorsque ses officiers sont achetés par l'ennemi, lorsque ses politiciens travaillent pour Kigali et lorsque ses leaders religieux sont corrompus. La reconquête de la paix commence par une reconquête de l'intégrité nationale.

Cela exige un courage politique exceptionnel : celui de nommer les traîtres même s'ils sont puissants, celui de saisir les fortunes bâties sur la trahison même si elles financent des réseaux influents, celui de juger publiquement les corrompus même si cela révèle l'ampleur du désastre moral.

Le Rwanda a compris qu'il était plus facile et moins coûteux d'acheter la défaite congolaise que de la conquérir militairement. Tant que l'argent rwandais trouvera des preneurs dans les rangs congolais, la guerre continuera. Tant que les villes continueront à tomber sans combat parce que les commandants auront été payés, la souveraineté congolaise demeurera une fiction.

Sans cette transformation profonde, sans cette rupture radicale avec la corruption, chaque victoire annoncée restera fragile, chaque soldat envoyé au front demeurera exposé — non seulement à l'ennemi extérieur, mais surtout à la trahison achetée de l'intérieur. La guerre de l'Est demeurera moins une fatalité imposée qu'une tragédie entretenue de l'intérieur, financée de l'extérieur, et perpétuée par l'impunité.

Le choix est clair : soit le Congo rompt avec la corruption et retrouve sa dignité, soit il continue à se vendre par morceaux jusqu'à disparaître. Il n'y a pas de troisième voie.

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